Interview avec Céline Rose David - Experte en joaillerie et gemmologie

François Toussaint
September 30, 2025
5 min

Céline David est experte en joaillerie et gemmologie, spécialisée dans l’évaluation et l’inventaire de bijoux et de pierres précieuses. Elle accompagne aussi bien les particuliers que les professionnels dans l’estimation de bijoux hérités, qu’il s’agisse d’un partage successoral, d’une assurance ou d’une vente. Elle intervient également en tant qu’experte dans le cadre de procédures judiciaires. Docteure en Histoire, Histoire de l’Art et Archéologie, elle organise régulièrement, en France et à l’international, des cours et conférences consacrés à l’histoire du bijou, de l’Antiquité à nos jours. Par ailleurs, Céline est Expert en joaillerie et Commissaire-priseur pour des maisons de ventes aux enchères.

Pourrais-tu stp te présenter et expliquer en quoi consiste ta profession, ou plus largement ta mission au quotidien?

Mon rôle, c’est avant tout de conseiller les gens et de les informer sur la qualité des bijoux qu’ils possèdent. Je les aide à comprendre si leurs pièces ont un réel potentiel de revente — c’est-à-dire la possibilité de générer une plus-value intéressante — ou si, au contraire, leur valeur est trop faible, par exemple parce qu’elles sont abîmées. Dans ce cas, je leur propose parfois de les faire fondre pour récupérer directement l’argent et avancer plus rapidement dans leurs projets.

 

J’exerce sur plusieurs volets : je suis historienne du bijou, docteure spécialisée dans ce domaine et professeure d’histoire du bijou dans différents pays. Je suis également expert judiciaire pour les tribunaux francophones de Belgique formée par l'ABEX, membre de la Chambre Royale Belge des Experts. Cela me permet de réaliser des inventaires pour des assurances, des notaires ou encore des avocats, notamment dans des contextes de partages ou de litiges. En parallèle, je travaille pour des maisons de vente et des plateformes où je dirige les expertises en bijoux et pierres précieuses, en m’appuyant aussi sur ma formation de gemmologue internationale. Mon objectif est toujours d’obtenir les meilleurs résultats possibles lors des ventes aux enchères.  

Mais le point de départ reste le même : la personne qui me confie son bijou. Je ne travaille pas pour des partenaires qui me poussent à faire du chiffre ; ma mission est de défendre les intérêts de celles et ceux qui me font confiance en me sollicitant pour une expertise.  

“Un inventaire est évolutif par nature, et utiliser un fichier Excel n’est pas la chose la plus aisée”  

Si tu devais n’emporter qu’un seul objet avec toi, quel serait il? Et pourquoi?  

Sans hésiter, une pince à spaghettis ! Ça surprend toujours les gens, mais c’est l’outil idéal pour saisir ce qui est autrement impossible à attraper. Pensez aux spaghettis : al dente, un peu huilés, c’est probablement la chose la plus glissante au monde. Et bien, avec une pince à spaghettis, on a une prise parfaite.

Alors oui, on me dit souvent : « Sur une île déserte, ça ne sert à rien ! » Peut-être… mais au moins je l’aurai. Et pour le reste, on trouve toujours des solutions : l’imagination suffit. La pince, elle, apporte ce petit facteur de prévention et de facilité que je trouve irremplaçable.  

Comment gères-tu tes objets de valeur et leur documentation jusqu’à présent?  

Je me souviens que, quand j’ai commencé ma thèse il y a trente ans, j’utilisais ClarisWorks sur Mac. L’application était ultra simple et me permettait de gérer une base de plus de 750 000 fiches d’inventaire après décès. Avec un mot-clé, je retrouvais instantanément la fiche correspondante, par exemple l’inventaire n°2326 daté du 7 juillet. C’était extraordinaire ! Puis le logiciel a disparu, et pendant quinze ans je n’ai trouvé aucune solution équivalente : Excel, par exemple, ne permettait pas de relier directement une photo à des notes. Cela a entraîné une véritable perte de connaissance.  

“Un bijou est évalué à un jour précis, au ‘cours du jour’. D’où l’importance de relever la date et de l’actualiser à posteriori”.

La valeur d’un objet, est-ce financier, ou émotionnel? As tu un exemple?

 

On distingue généralement trois grandes sources de valeur.  

La valeur financière. Elle est évidente, surtout parce que les bijoux sont constitués de matières premières comme l’or ou l’argent, dont les cours varient quotidiennement. Ainsi, lorsqu’on établit un inventaire et une estimation, cette valeur est valable à un instant donné, mais elle peut évoluer fortement avec le temps. C’est pourquoi il est important de faire réévaluer régulièrement ses bijoux. De plus, les progrès technologiques influencent directement le marché : par exemple, la capacité récente de différencier un saphir rose classique d’un saphir « padparadscha », qui vaut quinze fois plus au carat, change immédiatement la valeur d’une pièce. Le rôle de l’expert consiste alors à alerter ses clients pour leur proposer une réévaluation en fonction de ces nouvelles découvertes.  

La valeur émotionnelle; Celle-ci est totalement subjective et impossible à chiffrer. Un bijou peut avoir peu ou pas de valeur marchande, mais représenter énormément sentimentalement pour son propriétaire. C’est la raison pour laquelle je refuse parfois d’envoyer certains bijoux en salle de vente : le prix obtenu ne reflètera jamais la valeur affective que l’objet a pour la personne qui le détient.  

La valeur historique. Enfin, certains bijoux ont une importance patrimoniale qui dépasse largement leur valeur matérielle. Prenons l’exemple d’une bague médiévale composée en apparence d’un simple fragment d’os : une analyse peut révéler qu’il s’agit en réalité de corne de narval, assimilée au Moyen Âge à la « corne de licorne ». Si aucun musée n’en possède, cette rareté confère à l’objet une valeur historique exceptionnelle, négociée alors entre spécialistes du domaine.  

Quel conseil donnerais-tu aux gens dans la gestion de leur patrimoine, en particulier dans la gestion de leurs objets?  

La première démarche, c’est de s’adresser à la chambre des experts de son pays ou de sa région. Le président pourra orienter vers la personne la plus qualifiée en fonction de la demande. Parce qu’il y a « expert » et « expert » : les vrais experts ont des diplômes, une formation solide, et l’obligation de se former en permanence, de suivre l’évolution des prix du marché, d’assister à des conférences, bref, de rester au plus près de la réalité du terrain.  Et ces experts, quand ils font partie d'une chambre, ils ont l'obligation d'adhérer au Code de Conduite.  

À l’inverse, certains se présentent comme experts sans véritable compétence, parfois au service d’intérêts douteux. Leur objectif peut être de convaincre qu’un objet a peu de valeur pour ensuite le racheter à vil prix. C’est une pratique à laquelle il faut être attentif.  

Enfin, il faut garder en tête qu’un expert sérieux n’achète pas directement les objets. Il peut, au maximum, les prendre en commission pour une vente de gré à gré, mais dans ce cas le contrat de vente reste entre les mains du client. La rémunération de l’expert se fait alors sous forme de commission convenue à l’avance.  

“Vous imaginez bien qu’un bijou qui a appartenu à Elizabeth Taylor aura davantage de valeur. C’est cela la valeur historique”.  

Tu as testé Objectory, qu’en penses tu?  

C’est l’outil qu’il manquait! Parce qu’il est intuitif et flexible : on saisit ce qu’on sait — beaucoup si l’on a été conseillé par un expert, ou le minimum si l’on est un particulier — et surtout on peut ajouter des photos en haute définition.  Contrairement à un fichier Excel de base, l’avantage d’Objectory c’est de pouvoir intégrer directement des photos. Et ça, c’est un vrai enjeu : le stockage et le lien entre images et données posent toujours problème dès qu’on veut construire une base cohérente.  On peut aussi partager la fiche (avec la famille, des collègues ou une  société) pour faire circuler une information complète avec des clichés exploitables, pas de simples vignettes. Résultat : qu’il s’agisse d’une fiche succincte ou ultra précise, tout le monde y gagne — notaires, avocats, assurances — grâce à un export simple et propre des données. En cas de litige, l’outil peut servir de preuve structurée. Surtout si cela a été validé par un expert. On ne parle pas d’opinions, mais d’un dossier documenté d’encodage et d’évaluation.

François Toussaint

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